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Claude SIMON - L’ACACIA: deux guerres se touchant bord à bord.

Le fil de la phrase rompu par des incises, incises dans les incises qui épaississent la pâte textuelle, densifie l’évocation jusqu’à y engluer la conscience du lecteur, la captiver et l’entraîner dans ce mouvement convectif qui est comme le mouvement de l’Histoire. En affleurant tour à tour : des figures (plutôt que personnages). Ce sont hommes et femmes sans prénom ni patronyme, désignés, quand il le faut, par des formes pronominales, par des grades, des fonctions ou des filiations. Nous les suivons, ou plutôt, les accompagnons, brassés dans ces convexions.
Ainsi, ces deux foules compactes (magmas chauds et convectifs), l’une sur le quai d’un port du sud de la France, accueillant dans une liesse naïve l’arrivée de compatriotes, retour des colonies, appelés sous les drapeaux en 1914; l’autre, angoissée (parce qu’échaudée sans doute, mais aussi parce que ce n’est plus une arrivée qu’elle salue, mais un départ, un arrachement qu’elle subit) sur les quais d’une gare ‘’d’une ville du Midi’’ (celle du port, peut-être) au commencement de la Seconde Guerre Mondiale. L’une à la fin du chapitre "V - 1880-1914", l’autre au début du chapitre suivant "VI - 27 août 1939". De sorte que ces deux foules (dont la figure simonienne n’est ici qu’un extrait, détaché mais fait de la même pâte anonyme) se touchent, comme si le temps ne les séparait pas, comme si du quai maritime à la gare, c’était l’affaire d’une course brève, comme si, en somme, les deux Guerres Mondiales se touchaient bord à bord. Et les dates, du coup, n’auraient pas plus d’identité que les hommes, les femmes et les chevaux; les jalons chiffrés du temps titrant (ironiquement) chaque chapitre seraient eux aussi tout simplement fondus au magma de l’Histoire.
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